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« Veuillez raccrocher S1-05 » est une sculpture électro-acoustique autonome en énergie née du projet de recherche "Autonomie S1-05" soutenu en 2005 par le Conseil des arts et des lettres du Québec . J’y explorais à ce moment cette idée d’une sculpture robotisée en tant que système indépendant en m’inspirant de la BEAM robotique.

La partie supérieure de la sculpture est un combiné téléphonique récupéré d’un modèle des années soixante-dix de la compagnie Northern Telecom. C’est le même modèle que nous utilisions à la maison à cette époque. Dans l’œuvre, le combiné est modifié et réintroduit dans une construction de fibre de verre. Le dispositif prend la forme d’une longue et mince arche autoportante avec, à son extrémité inférieure, une cellule photovoltaïque. Moulée à l’intérieur de la forme, une série de condensateurs accumule l’énergie de celle-ci. Une fois chargé, un système sonore restitue tant qu’il y aura de l’énergie, cette phrase dans l’écouteur:

“ Veuillez raccrocher et rappeler, si vous avez besoin d’aide, veuillez raccrocher et appeler le téléphoniste.”

 

Le son que j’ai associé à l’objet dans mon enfance est ici,  comme l'écrivait le philosophe Gilbert Simondon, « de la réalité humaine, du geste humain fixé et cristallisé en structures qui fonctionnent »[1]. L’amplification du son inscrit numériquement dans le circuit intégré est dépendante de la quantité de photons qui frappent la cellule photovoltaïque. Le son dans l’objet se présente donc dans le temps en fonction de son environnent. Il s’actualise par la lumière, s’autorégule. 

Au-delà de l’appareil de communication, le combiné téléphonique, a construit, dans ma petite enfance, une autre signification. Si l’on décrochait le téléphone  pendant un certain temps, une voix de femme s’en échappait, répétant toujours les mêmes consignes. Ici, l’objet technique s’incarne et s’humanise. L’enfant voit sa mère en relation avec l’objet.  Voit sa mère rire et pleurer avec l’objet. À cette époque, il s’est rempli de ma mère et de l’odeur de sa bouche.

L’objet devient organique pour l’enfant.  Il est un peu sa mère et un peu une autre personne, une autre forme de quelque chose de mystérieux.

Dans la sculpture Veuillez raccrocher S1-05, j’ai enfermé cette voix de mon enfance, comme si elle constituait un fragment sonore, un  résidu d’époque.

[1] Gilbert Simondon, Du mode d'existence des objets techniques, Aubier, 1958. p.12.

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